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& LABYRINTHES Valceper
s’extirpa du miroir où il s’était caché ; il avait la faculté de se fondre dans la matière, ce qui lui permettait de changer de forme à volonté. Le Garde passa devant lui sans le remarquer puis disparut à l’angle du couloir ; le reflet, dès qu’il fut parti, longea le mur puis s'introduisit dans une pièce au hasard. Un frôlement, soudain, l’immobilisa : le Roi, dans un soupir, entra, referma la porte derrière lui, s’allongea sur le lit bleu nuit puis s’endormit ; sa couronne d’or, sertie de joyaux, glissa d’un mouvement feutré et roula en silence sur le tapis ; la lune, au-dehors, se montra et éclaira la pièce, révélant les motifs d’une grande tapisserie. Une
licorne immaculée, entourée d’arbres et d’oiseaux, était représentée à l’orée d’une forêt gorgée de fruits et de fleurs ; à l’arrière-plan se dressaient deux châ-teaux, l’un blanc, l’autre noir. Le ciel, parsemé de nuages roses, bordait une sphère où évoluaient des anges bleu outremer, nimbés de lumière. Au-dessus du château noir volaient des démons calcinés, qu’engloutissaient des gueules de dragons an-ciens et oubliés ; sous terre, des cortèges de spectres sans âme défilaient le long de passages condamnés. Valceper
contemplait la finesse des broderies qui composaient la scène lorsque le Garde se présenta. Le Roi, aussitôt, s’éveilla. – Pardonnez-moi, j’ignorais que vous étiez là ! s’excusa le soldat, confus. – Ça va, oublions cela… je m’étais assoupi, maugréa le souverain dans un bâille-ment. Que voulez-vous ? – J’ai entendu du bruit. – Voyez, je suis seul. Il s’assit sur le lit en soupirant. – Éternellement seul ! – Votre Majesté, Percevale s’est enfuie. – Qui ça ? – Percevale ! Vous l’avez rencontrée tout à l’heure… – Ah… je ne m’en souviens pas. Il eut l’air absent. – L’avez-vousretrouvée ? – Pas encore. Justement, je croyais que… – Laissez-moi, maintenant. – Ah… bien, Majesté. Le Garde se retira ; le Roi se rallongea. – Percevale… Il se rendormit peu à peu. Valceper, profitant de son sommeil, quitta la pièce à pas feutrés ; à son départ, la lune se voila, puis l’œil de la licorne brilla. > Voir aussi les premières
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