L’OPÉRA
NOIR
Le capitaine, le seuil à peine franchi, se jeta sur son malfaiteur.
– Voleur ! Ce tableau est à moi !
– Attendez, je…
Le vieil homme, effrayé, lui désigna le portrait du doigt.
– Regardez !
Le géant tourna la tête et découvrit, stupéfait, que celui-ci avait changé d’aspect : une femme, au visage empreint de tristesse, le front ceint d’une couronne blanche, posait, nue, sur un tapis de couleur pourpre ; sa peau, très pâle, tranchait sur ses cheveux d’un noir de jais brillant. Le marin relâcha sa prise et les deux individus, fas-cinés, s’approchèrent de l’œuvre, dont l’éclat irradiait.
– Eh bien, qu’attendez-vous ? Dépêchez-vous !
Y a-t-il aussi de l’or dans celle-ci ?
Le brocanteur ajusta ses lunettes d’une main tremblante.
– Cette lumière m’aveugle trop…
– Ah, ôtez-vous de là ! s’impatienta le colosse en l’écartant vivement. Je vais regar-dermoi-même !
Il se pencha sur la surface et plissa les yeux ; l’éclat redoubla.
– Eh bien, qu’en est-il ? s’enquit son interlocuteur, curieux.
Le commandant ne répondit pas. Lorsque la lumière diminua, il ne restait de lui qu’un spectre livide, aux traits déformés par la stupeur et l’envie. Le marchand, saisi d’ef-froi, s’enfuit.
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