LES
ANIMAUX PREMIERS
La lune, pleine et magnifique, se reflétait sur l’eau noire ; poussées par le vent, des prêles se penchaient régulièrement au-dessus des lentilles couvrant la surface de l’étang ; l’air tiède, presque chaud, chargé en émanations soufrées, odeurs de végé-taux décomposés ou de terre mouillée, enveloppait le lieu d’une atmosphère douce et feutrée.
Percevale, revenue à elle, se redressa et, vacillante, scruta l'alentour avant de re-marquer l’astre brillant dans les cieux : elle pouvait distinguer le dessin de ses cra-tères, imaginant le silence de ce corps céleste éteint depuis des milliers d’années. Son éclat, malgré l’obscurité, nimbait l’eau d’un halo blafard, parfois entrecoupé d’ombres bleues et noires ; plus loin, des bouquets d’ajoncs oscillaient dans un frois-sement soyeux.
Un cri, soudain, la fit se retourner : une créature zébrée de jaune, semblable à un serpent, se dressait plusieurs mètres au-dessus d’elle ; de son tronc avaient jailli sept têtes identiques, ondulant en une danse lente et hypnotique ; couverts de pla-ques blanchâtres, comme suspendus à un fil invisible, leurs corps se balançaient d'avant en arrière tandis que leurs gueules, armées de crochets saillants, émettaient des sifflements stridents.
Percevale recula et sentit le froid de l’étang. À mesure que l’hydre avançait, son corps se raidissait ; bientôt, elle ne pourrait plus bouger. L’eau arrivait maintenant à sa taille. Le monstre esquissa un mouvement circulaire et projeta son venin, que la jeune femme esquiva en plongeant sous la surface. Le poison se répandit dans une auréole jaunâtre, avant de s’évaporer en une colonne de fumée opaque.
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